Le diagnostic II

Ma deuxième expérience s’est produit 3 ans plus tard, c’est à dire en juin 2013. Les choses allaient bien, je finissais ma formation de spécialiste en médias sociaux et communautés en ligne, nous préparions un voyage qui allait durer 1 mois au Québec, mon pays natal. À nouveau, un sentiment que quelque chose ne tournait pas rond m’envahit. Pour ma formation, j’ai fait un travail de diplôme conséquent, cela faisait plusieurs mois que je travaillais de longues heures pour accomplir cette formation, alors je me rassurais en me disant que ce sentiment était certainement dû au vide que je ressentais d’avoir fini, que ma tête avait trop le temps de penser. Après une double mastectomie subit l’année de mon diagnostic, les sensations étaient différentes, alors il était difficile pour moi de ressentir si ce que je palpais était une boule ou bien du tissu cicatriciel. J’ai pris rendez-vous chez ma généraliste, même constatation, certainement que c’était du tissu cicatriciel, mais pour en avoir le cœur net et au vu de mes antécédents, il ne fallait pas prendre de risque.

Rendez-vous quelques jours plus tard de nouveau au même hôpital avec le même médecin radiologue, par contre, cette fois je ne suis pas seule, une de mes meilleures amies m’accompagne. Rien que le fait d’être à nouveau dans ce service, de voir « mammographie » écrit sur le mur, et d’être dans la même pièce que 3 ans auparavant et j’ai la nausée. J’ai eu l’énorme « chance » de tomber le premier jour où les nouveaux et jeunes médecins commençaient. Il entre dans la pièce, se présente nerveusement, je souris peu car je suis angoissée, je le laisse commencer l’ultrason. Il cherche, il ausculte, voit quelque chose, et cherche à nouveau. Je lui demande ce qu’il cherche et il me réponds tout bêtement: « c’est particulier, je ne trouve pas de tissu mammaire, mais il semble y avoir un nodule ». Je n’en reviens pas, je suis prête à exploser et à tout retourner ce qui se trouve dans cette salle. Je le fusil du regard et lui demande « avez-vous regardé mon dossier? » Il semble confus. Je poursuis: « Non, apparemment pas parce que si vous l’aviez lu, vous ne seriez pas en train de me dire ce que vous venez de dire! Bien sûr que non que vous n’allez pas trouver de tissu mammaire parce que j’ai eu une double mastectomie il y a  3 ans!! Maintenant, j’aimerais que vous alliez chercher mon amie qui m’attends en salle d’attente et votre responsable qui me connaît et qui connait mon dossier LUI »! Ce pauvre nouveau médecin, je sais bien qu’il devait apprendre, mais là ce n’était juste pas le moment, j’ai haussé le ton et fait comprendre que mes propos étaient non négociables. Il est parti très rapidement pour aller chercher le médecin responsable. En attendant que celui-ci vienne, mon amie est venue, j’éclate en sanglots, j’ai la nausée, je lui dit que le « petit jeune » a vu un nodule, je prends conscience que le tsunami arrive à nouveau et je pars au toilettes pour vomir. Le médecin entre, me voit dans cet état, regarde les images et me dit qu’il faut faire une biopsie. Je me retiens de toutes mes forces pour ne pas pleurer devant lui, pour ne pas craquer, ma rage prends le dessus, je me mets en mode guerrière et accepte qu’il me fasse cette biopsie immédiatement. Il est hors de question que je passe à nouveau des heures interminables à devenir folle. L’état d’urgence et de rage dans lequel mon corps se mets prends le dessus sur ma peur bleue de la biopsie, mais pour tenir le coup, il faut que mon amie reste avec moi. Le médecin n’est pas d’accord, c’est un acte chirurgicale, je m’en fiche, je lui dit qu’il n’y a pas de compromis, il n’a qu’à lui donner un masque et elle reste en dehors du champ stérile. Mon expérience de patiente  m’a appris à verbaliser mes besoins et m’opposer à ce avec lequel je ne suis pas d’accord. Devant ma ténacité le médecin accepte, mon amie reste avec moi, elle me prend la main et me la sert fort pour que je puisse m’appuyer sur elle dans ma douleur. Je ferme les yeux, mes larmes coulent silencieusement… et « clack! » le bruit du prélèvement.

Après c’est tourbillon de rendez-vous avec ma généraliste, mon oncologue, le plan de traitement est mis en place et nos vacances au Québec annulées parce qu’il fallait tout de suite commencer la chimiothérapie. Cette fois, comme j’avais fait enlever mon porte-à-cath lors de ma reconstruction, je recevrais de la chimio par voie orale, une fois par semaine, et ce pendant 15 fois, puis, un mois de repos et pour enchaîner avec 28 séances de radiothérapie jusqu’à la fin de l’année 2013.

J’avais demandé à ma physio durant la première année de mes traitements si elle pensait que c’était plus terrible de recevoir l’annonce d’un diagnostique de cancer la première fois parce qu’on n’a aucune idée de ce qui nous attends, ou si c’était pire la deuxième fois parce que justement on sait ce qui nous attend. Elle m’a répondu (ce que ses patients lui témoignaient) que c’était difficile à chaque fois et ce pour différentes raisons. Je ne peux que confirmer comme vous le verrez dans mon prochain billet le diagnostique III.

tristesse

 

À propos de Christine Bienvenu

Le cancer du sein triple négatif a fait une entrée fracassante dans ma vie en 2010, avec une rechute en 2013 et en 2015; un intrus tenace puisqu'il s'est transformé en cancer du sein HER2+ afin de survivre malgré le pays que je lui fait voir: tumerectomie, double mastectomie avec reconstruction, 26 chimios, 24 séances de radiothérapie et de l'immunothérapie à vie. De cette expérience est né mon identité d'ePatiente: je milite pour que le patient soit "empowered" et un partenaire à part égal dans son équipe médicale. Je donne des cours et des conférences en santé digitale et culture ePatient et fait partie du Patient Empowerment Foundation qui a pour but d'aider les patients à devenir autonomes, éduqués et responsables. Les professionnels de la santé ont leur savoir académique, mais le patient a son savoir expérientiel et les deux doivent collaborer dans l'humilité pour trouver des solutions constructives.

Laisser un commentaire