2014 sera l’année eSanté

Le monde médical change grâce aux médias sociaux, mais aussi au mobile. Il est devenu incontournable de communiquer par ce biais, ce n’est pas une question de savoir si on doit y être, mais comment. Il existe une multitude d’outils et de moyens pour se faire, mais il est nécessaire de devenir un ePatient car nous sommes tous concernés par la santé. Plus important encore, les médias sociaux donnent une voix au patient que nous sommes et nous redonne une place qu’on aurait toujours dû avoir: celle de partenaire dans la prise en charge qui remet le patient au centre du système de santé.

Le médecin est certes spécialiste de son domaine, on ne peut pas faire sans lui. Mais le patient est spécialiste de son corps, de son bien-être et de sa qualité de vie. C’est le patient qui doit être son propre avocat, et pour se faire il doit s’éduquer, être pro-actif et être impliqué. Personne ne le fera à notre place, et le fait de retrouver cette responsabilité à part entière change complètement la donne du monde médical paternaliste que nous connaissons, mais qui est en train de changer.

Tout comme les ePatients doivent se donner le pouvoir d’action, les eMédecins doivent aller à la rencontre de leurs patients et être présents en ligne afin d’apporter les informations justes. Voici quelques points importants pour nous donner confiance dans ce rôle d’ePatient, inspiré du livre « Let Patients Help » de Epatient Dave deBronkart (que je suis en train de traduire).

1. Patient n’est pas un mot à la troisième personne.
Pourquoi parler des patients comme s’ils n’étaient pas présents? Nous allons tous passer par la case patient un jour ou l’autre, nous sommes donc tous concernés, et il n’y a aucune raison de ne pas modifier cette façon de fonctionner. C’est qu’on ne s’en rend pas compte tant qu’on y est pas passé, mais je crois que personne n’aime qu’on parle de lui comme s’il n’était pas là.

2. Les patients sont une ressource sous-utilisé
N’importe quel patient ou membre de la famille de patient qui n’a pas été écouté ou entendu le sait. C’est une supposition qui est ancrée dans notre culture que c’est le professionnel de la santé qui sait des choses (vrai) et qu’on a rien à contribuer si on n’est pas du monde médical (faux). On peut changer cette façon de penser en ayant des discussions pour réajuster les choses et s’écouter les uns et les autres.

3. Nous savons tous quelque chose, personne ne sait tout (même pas les médecins)
Ce point est délicat parce que cela interfère avec notre instinct de vouloir trouver un génie qui sait tout, quelqu’un qui va nous donner la réponse à notre problème. Mais cela est tout simplement impossible: il y a trop de choses à savoir pour une seule personne. Plusieurs têtes valent mieux qu’une. Il faut surmonter cette peur injustifiée que nous avons de contredire, car culturellement nous avons appris le respect déférent envers la blouse blanche, et humblement accepter ce point.

4. Le fait de rechercher des informations en ligne est un signe d’implication
De plus en plus de personnes recherchent des informations concernant leur santé en ligne et la population suisse qui est hyperconnectée n’échappe pas à cette tendance. Le fait de faire des recherches à propos de sa santé et d’en parler avec son médecin doit être accueilli de façon positive. Certes, pas tout ce que l’on trouve sur Internet est juste ou suffisamment précis, on peut y trouver du bon comme du mauvais. Et c’est là toute l’importance du corps médical à être présent en ligne, justement pour y apporter les informations justes. Et si le professionnel de la santé peut diriger le patient vers des sites pertinents dans lesquels il a confiance, ben tout le monde y trouve son compte! Sensibiliser à une utilisation correcte et critique face à cette manne d’informations, fait qu’Internet devient un allié dans la relation patient-soignant. Tant que les gens n’ont pas d’expérience, ils sont inexpérimentés; la solution n’est pas de restreindre ou de limiter, mais d’éduquer et de donner le pouvoir aux gens en leur permettant d’accéder aux informations.

5. On produit un meilleur travail lorsque nous sommes mieux informés
Personne ne peut faire de son mieux s’il n’a pas toutes les informations pertinentes en main. Les patients  ne peuvent pas bien comprendre une maladie ou un traitement s’ils ne peuvent pas trouver des informations concrètes. Ils ne peuvent pas comprendre leur état, et réagir, si des informations leur sont cachées. Ils ne peuvent pas suivre des instructions si celles-ci ne sont pas clairement écrites. Le personnel médical ne peut pas proposer les meilleurs traitements s’il ne connaît pas toutes les options, y compris ceux qui se sont développés depuis leurs études. Il ne peut pas répondre aux besoins du patient si celui-ci ne les exprime pas. Il ne peut pas poser intelligemment un diagnostique ou prescrire des ordonnances sécuritaires si des informations cruciales manquent (ou sont fausses) dans le dossier. Toutes ces choses peuvent être grandement améliorées si de part et d’autre on propose une information claire et compréhensible, et si on laisse le patient accéder à son dossier pour le relire et s’assurer qu’il est à jour. Au final, c’est de sa santé qu’il s’agit, personne ne le fera à notre place.

6. L’information seule ne change pas les comportements
Ce n’est pas seulement en matraquant les gens avec des faits que les choses peuvent changer, il faut y apporter sa propre réflexion sur la situation et réfléchir à des idées qui peuvent améliorer les situations. Il y aura toujours des entrepreneurs prêts à concrétiser nos idées et nos visions. La collaboration de toute part est donc cruciale.

7. La clarté c’est le pouvoir
Souvent, lorsque les informations sont compliquées ou difficile à comprendre, c’est la nature humaine que de vouloir les simplifier afin de mieux les comprendre et ainsi les maîtriser. Tout comme un médicament n’est pas efficace s’il n’est pas absorbé, une information n’est pas utile si elle n’est pas « absorbée ». On peut toujours trouver des moyens pour vulgariser l’information afin qu’elle soit à la portée de tous. C’est d’ailleurs ce que font beaucoup de blogueurs en expliquant ce qui leur arrive de manière simple et accessible à leurs lecteurs. Au lieu de supposer que c’est le patient qui ne peut pas comprendre, essayons de d’abord rendre l’information compréhensible à tout un chacun. Expérience faite, lorsque c’est de notre santé qu’il s’agit, voire de notre vie, on est très partant pour comprendre ce qu’on doit comprendre!

8. La santé ce n’est pas la médecine et le traitement ce n’est pas les soins
C’est important de penser à la prise en charge globale lorsqu’on réfléchit à un monde médical qui évolue. La santé va de pair avec le système de santé, mais ce sont deux choses distinctes. Tout comme les traitements ne sont pas la même chose que les soins qui entourent ce traitement. Il faut donc mener une réflexion autour de tous ces éléments, afin de les améliorer parallèlement, pour que le tout avance harmonieusement. On est seulement aussi fort que son maillon le plus faible.

9. Pourquoi ne pas s’occuper de nous même comme on s’occuperait d’un proche?
Tout parent ferait tout et n’importe quoi pour le bien-être de son enfant. On peut en faire de même pour sa propre personne. Le fait d’acquérir des compétences d’ePatient, c’est se donner les moyens de se donner les meilleures chances. Une fois qu’on l’a fait pour soi-même ou un parent proche, ces compétences seront toujours utiles; souvenez-vous, nous serons indéniablement confrontés à cela au moins une fois, si ce n’est pas plusieurs fois, dans une vie. N’acceptez pas quelque chose pour vous que vous n’accepteriez pas pour votre enfant.

10. Les patients savent ce que les patients veulent savoir.
C’est une chose de connaître la biologie d’une tumeur, ou le fonctionnement d’un organe, mais finalement ce qui intéresse le patient, c’est l’expérience vécu par un autre patient. Ce n’est pas pour rien que les communautés de patients foisonnent. On y trouve des informations qu’on ne trouverait dans aucun livre ou revue scientifique car l’expérience des autres vaut son pesant d’or. Nous échangeons des conseils sur le meilleur endroit où acheter tel ou tel produit avant de l’acheter, alors pourquoi ne ferions-nous pas de même pour des informations tellement plus importantes et qui concernent notre santé? Ce n’est pas que nous ne voulons pas écouter ce que le médecin va nous apporter, mais ce n’est pas la seule information qui nous intéresse. On veut savoir si les traitements vont faire mal, si on sera malade, fatigué, etc. Un patient qui est psychologiquement prêt à affronter son traitement, va le tolérer beaucoup mieux.

Alors pour toutes ces raisons, et bien plus encore, je vous souhaite de devenir le meilleur ePatient que vous pouvez être. Pour la petite phrase: on le vaut bien!

epatient Franceimage: http://www.capitalimage.net

À propos de Christine Bienvenu

Le cancer du sein triple négatif a fait une entrée fracassante dans ma vie en 2010, avec une rechute en 2013 et en 2015; un intrus tenace puisqu'il s'est transformé en cancer du sein HER2+ afin de survivre malgré le pays que je lui fait voir: tumerectomie, double mastectomie avec reconstruction, 26 chimios, 24 séances de radiothérapie et de l'immunothérapie à vie. De cette expérience est né mon identité d'ePatiente: je milite pour que le patient soit "empowered" et un partenaire à part égal dans son équipe médicale. Je donne des cours et des conférences en santé digitale et culture ePatient et fait partie du Patient Empowerment Foundation qui a pour but d'aider les patients à devenir autonomes, éduqués et responsables. Les professionnels de la santé ont leur savoir académique, mais le patient a son savoir expérientiel et les deux doivent collaborer dans l'humilité pour trouver des solutions constructives.

Une réponse "

  1. GREAT article, C! Very well explained. Very empowering to the reader. There is truly a seismic change happening before our very eyes!

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